L’Oratoire et sa mission

Par le père Benoît MORADEI – Paroisse de Hyères

Introduction

Je voudrais tout d’abord excuser Mgr Eduardo Cerrato qui devait faire cette intervention ; il a été retenu en Italie par sa charge. Je prends donc la parole à sa place, et sollicite votre indulgence.

Nous sommes dans le cadre d’un colloque ouvert à tous ; je ne m’adresse pas à des spécialistes de l’Oratoire ou à des oratoriens qui connaissent par cœur ce que je vais dire. Mes propos se veulent donc une introduction à cette étrange communauté qu’est l’Oratoire – étrange parce qu’assez méconnue dans l’Église, en France en particulier, souvent confondue avec son cousin l’Oratoire de Bérulle – dit « Oratoire de France » – bien plus réputé ; étrange également à cause de l’étrangeté de son fondateur, St Philippe Néri dont le père Jean-François Audrain vient de nous parler. 

L’Oratoire ne pèse pas grand-chose face aux mastodontes religieux que sont les bénédictins, les dominicains ou les jésuites – il y a aujourd’hui un peu moins de 90 maisons de l’oratoire dans le monde (88 exactement et 22 maisons en formation officiellement) et 490 oratoriens, dont une petite trentaine en France répartis en 3 maisons (Nancy fondée en 1990, Dijon en 2011 et Hyères en 2012), plus deux maisons en formation (Lorient et Angoulême). Les dominicains sont eux 6000 dans le monde[1], les jésuites sont 16 800 (449 rien qu’en France), les franciscains près de 18 000 et les bénédictins 8 000 répartis en 435 monastères. Ces chiffres prouvent l’aspect presqu’anecdotique de l’Oratoire – une poussière d’étoile dans la constellation religieuse mondiale. « L’Oratoire, disait un oratorien allemand, est (…) une petite mais importante note marginale de la vie de l’Église »[2].

I-      Ce qu’est l’« Oratoire » et ce qu’il n’est pas : Précisions préliminaires

Que signifie le mot « Oratoire » ? Il a plusieurs sens. Le mot lui-même vient du latin « orare » qui veut dire « prier » ; un oratoire désigne d’abord un lieu de prière ou un petit monument qui invite à la prière et qui jalonne nos campagnes. C’est le sens courant de ce mot à l’époque de St Philippe Néri. On parlait également d’« oratoire » pour désigner les confréries religieuses, comme « l’Oratoire du Divin Amour » fondé à Gênes par les disciples de Ste Catherine de Gênes au début du 16ème siècle. Mais l’Oratoire – avec un grand O – a fini par désigner principalement la communauté fondée par St Philippe Néri, l’Oratoire philippin, puis celle fondée par Pierre de Bérulle, appelée « Oratoire de France ».

L’« Oratoire philippin »[3], pour commencer, est né à Rome officiellement en 1575 à l’église Santa Maria in Vallicella (ce qui deviendra la « Chiesa Nuova, où se trouve toujours les chambres et la tombe de St Philippe) ; puis il a essaimé du vivant même du Père (comme malgré lui d’ailleurs) en Italie, à Naples et San Severino, mais également en Provence, à Cotignac en 1586. Après la mort de St Philippe, c’est-à-dire après 1595, l’Oratoire gagne la Savoie via St François de Sales, évêque de Genève, très séduit par ce projet de vie commune qu’il veut pour ses prêtres ; il fonde l’Oratoire de Thonon. Des communautés voient peu à peu le jour en Provence : après Cotignac, suivent Avignon, Cavaillon, Arles, Aix… en partie grâce à Tarugi ou Bordini, proches disciples de St Philippe nommés évêques dans les États Pontificaux, aux sièges d’Avignon et de Cavaillon, en 1592[4].

Le principe de ces maisons philippines était de réunir sous un même toit des prêtres et des frères, sans aucun vœu – insistons sur ce point, ce ne sont pas des religieux, ils sont simplement unis par l’amour fraternel[5] – pour mener une vie séculière et se consacrer à un apostolat de prédication, de confession, d’accueil et de direction spirituelle. Chaque maison devait rester autonome, sans aucun gouvernement centralisé : ce fut le cas pendant des siècles. Chaque maison est une congrégation sui juris, qui dépend directement de Rome, du pape lui-même, et non de l’évêque du lieu. Chaque supérieur de maison, appelé prévôt, est dit « supérieur majeur », au même titre qu’un abbé bénédictin dans son abbaye, ce qui donne une forte autonomie juridique à chaque maison de l’Oratoire, même si pour la pastorale les oratoriens dépendent évidemment de l’évêque du lieu. Ce n’est que très récemment, en 1943 très exactement, que les maisons de l’Oratoire se sont dotées d’une légère structure juridique de collaboration, sous la forme d’une confédération – pour soutenir principalement les nouvelles fondations et visiter les maisons régulièrement.

Le second Oratoire évoqué, l’Oratoire de France, ou « Oratoire de Jésus » a été fondé, lui, par Pierre de Bérulle en 1611. On le présente souvent comme un dérivé du premier. La comparaison entre les deux fondations est intéressante pour faire ressortir les caractéristiques de chacun. Le Cardinal Pierre de Bérulle naît en 1575[6]. Il grandit à Paris, et reçoit l’ordination sacerdotale en 1599. Sa vie spirituelle est marquée par l’effervescence mystique de l’époque ; jeune prêtre, il est proche de Mme Acarie. En lien avec elle, dès 1604, le Père de Bérulle se consacre à l’introduction en France du Carmel réformé par Ste Thérèse d’Avila : il en fondera quarante jusqu’à sa mort en 1629. Si Bérulle fut profondément mystique – il est le principal fondateur de ce que l’abbé Brémond appellera en 1920 « l’école française de spiritualité » regroupant également Saint Vincent de Paul[7], Jean-Jacques Olier, Saint Jean Eudes ou Saint Louis-Marie Grignon de Montfort – Bérulle fut également un très grand homme d’action. Le cardinalat, qu’il reçut deux ans avant sa mort, fut la consécration de toute son œuvre apostolique et mystique.

Bérulle, en fondant l’Oratoire, a d’abord voulu réformer le clergé. Ce travail, engagé par le Concile de Trente un demi-siècle plus tôt, était encouragé par de nombreux évêques français. Et Bérulle trouva dans le projet de St Philippe Néri le modèle de ce qu’il voulait. Il ne rencontra pas St Philippe, mais il rencontra ses disciples lors d’un séjour à Rome, et fut frappé par leur témoignage de vie. Rentré en France, Bérulle s’en inspira mais ne reproduisit pas strictement ce qu’il avait vu à la Vallicella ; disons qu’il l’adapta librement. « Ce que Philippe Néri a réalisé à Rome avec ses oratoriens et Charles Borromée à Milan avec ses oblats, Bérulle voudrait le voir reproduit à Paris. Il supplie tour à tour François de Sales, les oratoriens de Rome et le P. Romillon, supérieur de l’Oratoire de Provence, de l’y aider ; tous se récusent[8]. Finalement sur les instances d’Henri de Gondi, évêque de Paris, il s’en charge lui-même. Pour rendre aux prêtres le sentiment de leur incomparable dignité, il faut prêcher d’exemple »[9].

Bérulle souhaitait « une société de prêtres, sans obligation de vœux, où l’on tendra de toutes ses forces à la perfection sacerdotale, pour en exercer toutes les fonctions et pour former à la piété ceux qui y aspirent »[10]. Une société de prêtres libres de vœux, qui formeraient des chrétiens fervents : ce projet rejoint par certains aspects celui de Philippe Néri. On trouve également chez les deux fondateurs la place centrale du Christ Verbe incarné, une grande dévotion à la Vierge, le refus des titres, la nécessité de la vie communautaire au service de la mission, l’importance de la prédication, l’amour des arts, de la liberté, de la créativité. C’est d’ailleurs à Rome, au sein de l’Oratoire, qu’est né le genre musical si connu de « l’Oratorio ». On trouve enfin, chez les deux prêtres, une même mystique nourrissant la vie et les œuvres. Voilà quelques traits qui croisent ces personnalités, par ailleurs si différentes, et qui tissent des liens de cousinage entre les deux Congrégations de l’Oratoire de Rome et de France. Il y a entre l’un et l’autre projet une certaine filiation, voulue par Bérulle, et aujourd’hui revendiquée par ses fils, les « bérulliens ».

Cependant, il existe entre les deux Oratoires des différences qu’il nous faudrait souligner pour comprendre l’actualité et la mission de l’Oratoire philippin aujourd’hui. Je souhaite souligner trois différences principales : la place du prêtre, l’organisation canonique et la doctrine spirituelle.

La première différence significative entre Bérulle et Philippe Néri, c’est, je pense, la figure du prêtre. Dans les maisons philippines comme bérulliennes, nous trouvons aussi bien des prêtres que des frères laïcs – appelés « confrères » chez les bérulliens. Mais pour Bérulle, la figure du prêtre est exaltée. Le cardinal a écrit des pages admirables sur le sacerdoce ; il n’est pas étonnant que nombre d’évêques aient bientôt voulu confier aux oratoriens de France la direction de leurs séminaires.

« Ce qu’est la raison d’être de ce nouvel institut : former dans l’Église des prêtres à tout ce qui relève de la prêtrise et leur apprendre à remplir tous les devoirs de prêtre exactement, dans l’Esprit de Dieu et à la perfection. Former et donner de bons prêtres à l’Église ; ce que le concile de Trente a voulu réaliser dans l’Église par le moyen de séminaires pour les fonctions ordinaires et communes des prêtres de la campagne, le réaliser pour tous dans l’Église et pour les meilleurs. Renouveler et former l’esprit de prêtrise en l’Église, les réduire en communauté, comme dans l’Antiquité, et en exercice et occupation de leur ministère, contre la particularité et oisiveté. Considérer les fonctions de la prêtrise : réciter les psaumes de louange et remplir l’office de louange de Dieu, administrer les sacrements, annoncer la parole de Dieu, instruire de la doctrine chrétienne les ignorants, sous l’autorité de l’évêque donner des missions en diverses parties du diocèse, instruire les prêtres ignorants »[11].

St Philippe, à rebours, cherchait tout d’abord, comme St François de Sales plus tard, à faire grandir la sainteté des laïcs, la sainteté de tous les baptisés. A cet effet, les philippins devaient prêcher de façon simple, confesser, diriger spirituellement les fidèles réunis à l’Oratoire, développer un amour des arts et de l’histoire, s’attacher à la liberté des personnes et promouvoir la diversité charismes. Pour Philippe, un prêtre n’était prêtre que pour servir ses frères. On ne trouve pas chez lui de théologie du sacerdoce ni de mystique sacerdotale – ce qui ne signifie pas qu’il avait une très haute idée du sacerdoce, ne se sentant pas digne de le devenir avant l’âge de 36 ans. St Philippe a tout de même vécu comme laïc dans l’Église la moitié de sa vie[12].  Bremond commente :

« Nul n’admire plus que moi le P. de Bérulle, le P. de Condren et les premières générations de l’Oratoire français. Il me semble pourtant que les oratoriens provençaux, aussi voisins de Rome que de Paris et d’ailleurs formés par un disciple immédiat de Tarugi, se rapprochaient davantage de l’esprit primitif de Philippe Néri. Moins métaphysiciens, moins sublimes, moins éloquents, leur simple ferveur, leur bonhomie, parfois même leurs singularités, les rendaient populaires et leur donnaient aux yeux de la foule un prestige qui manquera d’ordinaire aux fils raffinés de Bérulle. Ils gardent l’accent du pays qui les a vus naître et ils y mêlent quelque chose de l’accent de la Vallicelle. L’Oratoire de France ressemble peu à celui de Rome, il est tout français et, trop vite, français du grand siècle »[13].

Une seconde différence importante entre Pierre de Bérulle et St Philippe Néri, concerne la structure canonique des maisons fondées par leurs soins. Le 11 novembre 1611, Bérulle fonde à Paris à l’emplacement du Val de Grâce « l’Oratoire de Jésus », appelé plus tard « Oratoire de France » pour le distinguer de l’Oratoire de St Philippe Néri. Sa congrégation est approuvée en mai 1613, par le pape Paul V. « Ce que la Compagnie de Jésus est au Saint-Siège, Bérulle rêve que son Oratoire le soit aux évêques »[14]. Moins de vingt ans plus tard, « à la mort de son fondateur en 1629, les oratoriens seront environ quatre cents prêtres répartis en une soixantaine de maisons. Leur église de la rue Saint-Honoré achevée seulement en 1750 (l’actuel temple protestant de l’Oratoire) est devenue la paroisse de la Cour »[15]

Philippe Néri, à l’inverse de Bérulle, n’avait pas de projet, aucune stratégie, nul plan défini, et il refusa toute sa vie que les maisons fondées sur le modèle de celle de Rome, un peu partout en Italie, puis en France, cherchent à s’unifier en une congrégation unique ; chaque maison devait demeurer autonome et chaque prévôt de congrégation devait rester supérieur de sa maison. On ne devait pas changer de maison, sauf dans le cas bien précis de nouvelles fondations à réaliser.

Les maisons de l’Oratoire de Jésus en revanche, qui naîtront en France, seront toutes dirigées depuis Paris, la maison mère. Il n’y aura jamais qu’une seule congrégation répartie en plusieurs maisons. Les pères et confrères pourront changer plusieurs fois de maison au cours de leur vie. Voici un passage éclairant à ce sujet :

« Philippe pensait à la cité italienne, les fondations philippines restaient indépendantes les unes des autres. Bérulle pense au royaume de France qui s’unifie, envisage une organisation vaste et structurée, avec supérieur général, maisons de formation collective, à partir desquelles l’autorité pourra distribuer les sujets suivant les besoin des communautés et décider de fondations nouvelles »[16].

Une troisième différence, c’est la question de la doctrine et de la spiritualité. Bérulle est un grand intellectuel, un théologien, un philosophe et un spirituel qui aura beaucoup écrit. Sa doctrine nourrit ses disciples. De cela, nous n’avons pas de trace chez Philippe : il n’a jamais véritablement écrit, et il permet à chacun de vivre ensemble en respectant ses différences de sensibilité ou de spiritualité. C’est plus un « style de vie » qu’une spiritualité que Philippe propose ; il n’y a en tout cas pas de doctrine proprement dite qu’il aurait élaborée et léguée. 

Disons un mot pour clore ce chapitre, sur la postérité de l’Oratoire en France. Ce que l’on retient de cet Oratoire, ce sont aujourd’hui surtout les collèges plus que sa spiritualité ou l’organisation. Bérulle n’avait pas prévu initialement de fonder de collèges ; il voulait éviter de concurrencer les jésuites. Mais le pape Paul V en érigeant la congrégation en avait volontairement ouvert la possibilité[17]. A partir de 1660, comme évoqué plus haut, les oratoriens prirent également en charge plusieurs séminaires[18], dont le nombre fluctuera au cours du 18ème siècle à cause des accointances de certains oratoriens avec le jansénisme. A leur apogée, ils eurent jusqu’à 85 maisons et un peu moins de 700 pères[19]. Cette congrégation a donné, mentionnons-le, de très brillants intellectuels, dont Bourgoing, Condren, Malebranche, Richard Simon, et… Jean-Baptiste Massillon, né à Hyères où l’on trouve une place de l’Oratoire, une rue de l’Oratoire, un quartier de l’Oratoire ; c’est à l’Oratoire bérullien d’Hyères que Massillon fit ses études, reçut sa vocation, avant de devenir le grand prédicateur de Louis XIV et Louis XV, puis le grand évêque de Clermont, que nous connaissons.

II-    Caractéristiques et actualité de la mission de l’Oratoire philippin

Passons à présent aux caractéristiques de l’Oratoire fondé par St Philippe Néri lui-même, autrement dit « l’Oratoire philippin » – caractéristiques qui en montreront, je l’espère, l’actualité et la modernité.

Partons de la définition que l’on en trouve dans les textes de la confédération :

« L’Oratoire est une union fraternelle de fidèles qui, suivant les traces de saint Philippe Néri, se proposent ce qu’il enseigna et accomplit, devenant ainsi un seul cœur et une seule âme, donnant vie à de vraies communautés chrétiennes destinées à être ferment de vie authentiquement évangélique dans leur milieu propre »[20].

Comment caractériser donc les oratoriens ? Pour caractériser les bénédictins, on a la devise « Ora et Labora » (« prie et travaille ») ; les franciscains sont caractérisés par la pauvreté ; les dominicains, c’est la prédication de la vérité ; les jésuites, le discernement et les Exercices Spirituels de St Ignace de Loyola ; et les Carmes, c’est l’Oraison thérésienne… Que dire du charisme de l’Oratoire ? En réalité, on ne trouve rien de très original… Si, tout de même, on pourrait dire que l’Oratoire cherche à revenir de l’esprit des origines du christianisme (devenir « un seul cœur et une seule âme »), retrouver la fraicheur d’une Parole de Dieu reçue et proclamée, retrouver le feu de l’Esprit Saint et la présence de la Vierge Marie – tout cela « à la manière de St Philippe ».

De ce fait, l’Oratoire n’est pas d’abord une communauté ou une congrégation. L’Oratoire, c’est avant tout une « méthode », un itinéraire, un cheminement qui regroupe deux réalités : d’une part les laïcs qui cherchent à suivre les pas de St Philippe Néri en cheminant vers la sainteté au quotidien, et la congrégation de l’Oratoire d’autre part, c’est-à-dire les prêtres, diacres et laïcs consacrés qui vivent sous le même toit toute leur vie, réalité qui ne vient qu’en second lieu, mais passe souvent pour première :

« Depuis ses origines l’Oratoire Séculier s’est composé de laïcs, qui, vivant dans le monde, participent aux activités variées. Les prêtres et les frères laïcs appartenant à la Congrégation – recevant du fait même de cette activité le nom d’Oratoire, et, en conséquence les membres eux-mêmes étant appelés Oratoriens ou Philippins – qui assure la continuité dans le temps de l’Oratoire lui-même et la fidélité au charisme d’origine »[21].

Ceci dit, regardons de plus près, et voyons ce que l’Oratoire peut apporter aujourd’hui à l’Église et la société. J’en propose cinq : la sainteté, la stabilité, la Parole de Dieu, la charité et la joie – encore une fois, des choses qui sont très simples apparemment, mais se révèlent d’une grande actualité.

  1. Une conviction fondamentale de l’Oratoire : la sainteté est pour tous

Philippe Néri a une haute vision de la vie chrétienne. Il n’y a pas d’un côté les clercs et religieux appelés à une perfection, de l’autre les laïcs qui feraient leur possible pour être de bons chrétiens. Cela ne minimise pas la consécration au sacerdoce dont il ne se croyait pas digne, mais St Philippe était persuadé que « la vie spirituelle, tenue pour difficile, devait être rendue si familière et normale qu’en tout état de vie elle devint aisée et agréable… ; tous, en tout état et toute condition, dans leur vie privée et professionnelle, clercs et laïcs, prélats ou princes séculiers, gens de cour, pères de famille, personnes lettrées ou incultes, nobles ou plébéiens, marchands ou artisans, bref tous sont capables de vie spirituelle » (Talpa)[22]. St François de Sales aura la même cette conviction et l’enseignera à travers ses écrits, comme l’Oratoire la diffusera par une certaine pédagogie humaine et spirituelle.

Citons l’évêque de Genève : « où que nous soyons, nous pouvons accéder à la vie parfaite »[23]. Pour « tendre à la perfection », il faut que tout dans notre vie soit « ordonné par l’amour et pour l’amour »[24], et il faut « accommoder la pratique de la dévotion aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier ».

St Paul VI pensait que St Philippe «fut un maître de spiritualité qui enseigna la perfection chrétienne pour tous les états de vie, [et] fut sous ces aspects un précurseur de Vatican II »[25].

Cet appel universel à suivre le Christ est au cœur de Lumen Gentium, le texte concernant l’Église publié par les Pères du Concile Vatican II, au chapitre V :

« Dans l’Église, tous, qu’ils appartiennent à la hiérarchie ou qu’ils soient régis par elle, sont appelés à la sainteté selon la parole de l’apôtre : « Oui, ce que Dieu veut c’est votre sanctification » (1 Th 4, 3) » – §39.

« Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie » – § 40.

« À travers les formes diverses de vie et les charges différentes, il n’y a qu’une seule sainteté cultivée par tous ceux que conduit l’Esprit de Dieu et qui, obéissant à la voix du Père et adorant Dieu le Père en esprit et en vérité, marchent à la suite du Christ pauvre, humble et chargé de sa croix, pour mériter de devenir participants de sa gloire. Chacun doit inlassablement avancer, selon ses propres dons et fonctions, par la voie d’une foi vivante, génératrice d’espérance et ouvrière de charité » – § 41.

St Jean-Paul II donnait comme programme pour le 3ème millénaire… la sainteté !

« Et tout d’abord je n’hésite pas à dire que la perspective dans laquelle doit se placer tout le cheminement pastoral est celle de la sainteté […]. Présenter la sainteté reste plus que jamais une urgence de la pastorale. […] [Ceci] pourrait au premier abord sembler quelque chose de peu opérationnel. Peut-on « programmer » la sainteté ? Que peut signifier ce mot dans la logique d’un plan pastoral ? […] si le Baptême fait vraiment entrer dans la sainteté de Dieu au moyen de l’insertion dans le Christ et de l’inhabitation de son Esprit, ce serait un contresens que de se contenter d’une vie médiocre, vécue sous le signe d’une éthique minimaliste et d’une religiosité superficielle »[26].

Saint Philippe Néri est de ce point de vue totalement en phase avec un des axes fondamentaux de l’Église de ces dernières décennies. Pour lui la sainteté n’est clairement pas l’affaire d’une élite, mais c’est l’affaire de tous.

« C’est, disait-il, une chose importante que nous soyons des saints ! ».

« Il faut désirer faire de grandes choses pour le service de Dieu ; ne pas se contenter d’une bonté médiocre »[27].

S’il fonde l’Oratoire, c’est prioritairement pour accompagner jour après jour les laïcs qui le suivent et restent dans le monde. Il leur propose différents exercices spirituels : prière vocale et mentale, lecture de la Parole de Dieu, lecture de la vie des saints, service des malades et des pauvres, dans un esprit joyeux, artistique et fraternel.

Alors que l’Église réfléchit à un fonctionnement plus synodal, notons l’importance que Philippe donnait aux laïcs : en plein 16ème siècle, il n’hésitait pas, malgré les soupçons que cela pouvait susciter, à les responsabiliser et à les faire prêcher sur des sujets spirituels au sein des réunions de l’Oratoire, alors que lui, le « Padre », ne prenait que très peu la parole et préférait largement la donner.

  • Le temps et l’espace : un temps long, un espace restreint.

Une autre caractéristique de l’Oratoire, c’est son rapport au temps et à l’espace. Le pape François a plusieurs fois utilisé une expression assez mystérieuse de premier abord : « le temps est supérieur à l’espace ». Je cite :

« Ce principe permet de travailler à long terme, sans être obsédé par les résultats immédiats… Donner la priorité au temps, c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces… Parfois, je me demande qui sont ceux qui dans le monde actuel se préoccupent vraiment de générer des processus qui construisent un peuple, plus que d’obtenir des résultats immédiats qui produisent une rente politique facile, rapide et éphémère, mais qui ne construisent pas la plénitude humaine »[28].

Saint Philippe Néri est, par excellence, l’homme du temps long. Arrivé à Rome à 19 ans, il y est mort à presque 80 ans – soient 60 années dans la même ville, sans jamais la quitter, sans jamais retourner à Florence son lieu d’origine. On note qu’il avait un mal fou à laisser partir ses disciples pour d’autres fondations – ce n’était qu’au compte-goutte et à contre-cœur. Il les voulait tout le temps avec lui à Rome, pour que son école d’évangélisation vive et se développe année après année. Plus jeune, il eut bien le désir de partir en Extrême Orient pour imiter St François-Xavier, dont les lettres lues à Rome allumaient en lui le feu missionnaire ; il s’en ouvrit à un moine cistercien, connut pour être un sage et un visionnaire, qui lui répondit clairement de ne pas partir aux Indes (comme on disait alors), mais au contraire de rester en Italie : « Tes Indes sont à Rome » lui dit-il sous forme d’oracle. Et c’est ce que fit St Philippe. Et c’est certainement cela qui détermina la modalité missionnaire de l’Oratoire : toute une vie au même endroit avec les mêmes personnes. Les pères et diacres d’un Oratoire peuvent d’ailleurs être incardinés dans le diocèse où ils se trouvent plutôt que dans la congrégation elle-même – c’est notre cas à Hyères.

« N’avez-vous pas peur de vous ennuyer ? », se demandent souvent les évêques. Ce principe de stabilité effraie beaucoup je crois les ecclésiastiques. Nous sommes dans un monde où tout bouge, une « société liquide », dit le philosophe Zygmunt Bauman – une société où les relations, les engagements, les contrats ne durent pas. On aime bouger, voyager, changer, acheter, jeter, déménager, et refaire sa vie… Cet esprit liquide pénètre même l’Église : on nomme un prêtre pour trois ans, six ans tout au plus, puis on le retire. Ce qu’il avait peiné à construire (six ans c’est très peu, bien trop peu), risque souvent à s’effondrer ; le successeur change de cap ; ainsi de rupture en rupture, la communauté chrétienne, au lieu d’être renouvelée par un même souffle, peine à s’édifier et à s’étendre.

Pour la vie naturelle comme pour la foi et la vie surnaturelle, il faut du temps, des mois, des années. Il faut des processus et beaucoup de patience. L’Oratoire, comme un monastère bénédictin, s’inscrit dans la durée, souvent à contre-courant des stratégies diocésaines. Bien-sûr à l’intérieur de l’Oratoire les charges peuvent tourner entre un membre et un autre. Mais on reste au même endroit, et l’on marie des gens que l’on a catéchisés des années auparavant… J’ai plusieurs fois remarqué que cette stabilité interpelle les prêtres, qui souffrent de changements trop fréquents dans leurs missions ; un peu plus de stabilité ne ferait pas de mal. Disons que cette question, plutôt tabou il y a quelques années, a commencé d’évoluer dans les mentalités cléricales.

  • Une vie spirituelle fondée sur la Parole de Dieu.

Toute la méthode de l’Oratoire repose sur la Parole de Dieu, lue, méditée, partagée, prêchée et vécue. « La prière et la méditation de la Parole de Dieu ont toujours tenu la première place dans l’Oratoire, qui est par antonomase “un lieu de prière”, et une école de prière »[29].

« L’Oratoire est né des rencontres et de l’usage familier de la Parole de Dieu. “C’est par un dessein divin que s’est rénovée, dans une grande mesure, en notre temps, à Rome, selon le modèle des assemblées apostoliques, la pratique édifiante de converser familièrement des choses de Dieu et de commenter en des prédications simples sa Parole. Telle a été l’œuvre du Révérend Père Philippe Néri, florentin, qui, en architecte habile, en a posé les fondations. L’Oratoire s’est organisé de telle façon que chaque jour ceux qui désiraient la perfection Chrétienne accouraient à l’Oratoire” (Baronius) »[30].

Les expressions fusent à ce sujet dans L’Itinéraire Spirituel, texte source qui décrit succinctement la spiritualité oratorienne : « usage assidu et familier de la Parole de Dieu » (§ 38 et 55), « entretien tout simple sur la Parole de Dieu » (§ 42), « climat propice à l’accueil de la Parole de Dieu » (§ 42), « écoute commune de la Parole de Dieu » (§ 60), « entretien familier avec la Parole de Dieu » (§ 127), « écoute assidue de la Parole de Dieu » (§ 127), « dialogue autour de la Parole de Dieu » (§ 128), « une Parole de Dieu méditée dans l’Esprit Saint, invoqué avec assiduité » (§ 128), « connaissance incarnée de la Parole de Dieu » (§ 128)…

St Philippe non seulement aimait profondément la Parole de Dieu, mais il avait le don de la faire aimer. Pour lui, la source se trouvait là. En se réunissant pour lire et méditer la Parole de Dieu, St Philippe vivait avec les siens au temps des Apôtres, réunis au Cénacle autour de la Vierge Marie. Toutes les réunions de l’Oratoire comportaient un ou plusieurs commentaires de textes bibliques – commentaires non universitaires, mais spirituels et actuels, pour que chacun soit saisi par l’amour de Dieu, s’améliore soi-même et change de vie. Dans l’Itinéraire, nous lisons :

« Pour Saint Philippe, il ne s’agissait pas seulement d’étudier la Parole de Dieu “comme le font les professeurs de Sorbonne”, mais de la méditer seul, et dans le dialogue fraternel, de donner notre réponse dans la prière et de la mettre en pratique » (§ 129).

« L’originalité de Philippe dans l’annonce de la Parole de Dieu tient dans le fait qu’il ne voulait pas être un théoricien de la Bible, mais qu’il livrait son âme, les expériences que l’Esprit Saint lui suggérait. Tarugi affirmait : “Le devoir de notre Institut est de parler au cœur” » (§ 44).

Cette pratique suscita d’ailleurs certaines inquiétudes à la Curie romaine : est-ce que ce groupe n’était pas un rassemblement de crypto-protestants. D’autant plus que Philippe, on l’a déjà dit, faisait parler des laïcs sur la Parole de Dieu ! L’inquisition s’en inquiéta. Philippe pria, persista et fut finalement mis hors de cause.

Pour lui la Parole de Dieu devait devenir vie et mission. D’où son attrait également pour la vie des saints – qui rendent concrets par leur vie cette Parole[31].

Or cette question de la Parole de Dieu dans la vie chrétienne est une question assez récente dans l’Église catholique. L’Ecole Biblique de Jérusalem a été fondée en 1890, et l’Institut Biblique Pontifical (le « Biblicum ») en 1909. Cela ne fait qu’un gros siècle que les études bibliques à l’honneur. Pensons que dans les années 1890, une sainte comme Thérèse de Lisieux ne pouvait pas lire la Bible dans son couvent, mais uniquement des morceaux choisis… elle avait réussi à se procurer une édition des évangiles via sa sœur Céline restée plus longtemps dans le monde. Cela paraît impensable aujourd’hui. Or l’Oratoire, dès le 16ème siècle, a fortement contribué à cette estime de la Parole de Dieu et à sa diffusion. Les gens ont, je crois aujourd’hui, une soif immense de la vérité. Ouvrir la Parole de Dieu et la comprendre est d’une actualité brûlante – et l’Oratoire peut promouvoir de nombreuses initiatives à ce sujet.

  • La dimension très fraternelle de l’Oratoire : des relations marquées par la charité.

Le monde dans lequel nous vivons souffre de solitude. Une enquête récente montre qu’en France 7 millions de personnes se trouvent en situation d’isolement, soit 14 % des Français, contre 9 % en 2010. Nous sommes confrontés à une pandémie de solitude, et les crises récentes, le consumérisme et le vieillissement de la population renforcent cette situation dramatique.

Lorsque Philippe Néri arrive jeune à Rome, il vit longtemps dans une forme de solitude, retiré du monde, mais c’est par choix, par besoin spirituel. Il se retire du monde pour se plonger en Dieu. Mais très rapidement, il se met à rassembler des jeunes de son âge, à contacter les gens dans les boutiques et la rue ; il les invite à prier et à faire le bien. Une fois prêtre, il rassemble ses disciples à l’Oratoire ; il les fait vivre et prier ensemble.

Lorsqu’il s’agit de fonder la congrégation, il refuse toute règle contraignante ou tout engagement, sauf un seul : la charité. « La charité est la seule règle », dit un jour St Philippe à un chartreux stupéfait qui ne comprend pas comment fonctionne sa communauté. Le Père Pietro Consolini, qui connut St Philippe Néri, écrit :

« C’est une caractéristique des fils de la Congrégation d’user entre eux d’un mode de charité plus que fraternel, se rendant des services sans se soucier du dérangement que cela leur cause, n’ayant en vue que le bien-être de tous ses compagnons. Chacun doit se conforter dans ce style de vie, se contenter surtout de soulager son prochain – en somme, tout ce qui convient pour un véritable et très cher ami rencontré en un lieu où règne seulement la charité. Et cette charité n’est jamais excessive : bien plus, elle console tous ceux qui ont des problèmes en les aidant, gardant envers tous un cœur doux et compatissant sans se soucier que cela puisse porter atteinte aux intérêts et à la tranquillité personnels. Il s’agit d’acquérir à n’importe quel prix cette charité également exercée envers les autres qui nous sont proches, autant que faire se peut, à la ressemblance des premiers disciples de notre Saint Philippe, lesquels étaient tous pétris de charité, particulièrement envers les pauvres, les secourant -si possible – par des aumônes, quitte à se priver du nécessaire pour subvenir à leurs besoins comme le fait une mère pour ses propres enfants. Suivant en tout cela les nombreux exemples que nous a laissés notre Père Saint Philippe »[32].

Vous l’avez compris, l’amour liant les membres de l’Oratoire les uns aux autres n’est pas du cocooning. D’une part, la communauté a toujours quelque chose de rude, car nous sommes différents les uns des autres, et la charité est un acte volontaire qui va au-delà des difficultés relationnelles ; elle n’est pas un sentiment passager. D’autre part, la charité vécue à l’intérieur n’est pas repliée sur elle-même, autocentrée, mais elle doit déborder à l’extérieur, comme dans une fontaine, l’eau d’une vasque se déverse dans une autre – pensons à la fontaine de Trevi… Notre monde a un besoin vital de fraternité, d’amitié, d’amour et de relation.

Cette question a été longuement traitée par le pape François dans son encyclique sur la fraternité et l’amitié sociale, Fratelli Tutti. On peut y lire cette conviction :

« Tous ensemble : Personne ne peut affronter la vie de manière isolée. […] Nous avons besoin d’une communauté qui nous soutient, qui nous aide et dans laquelle nous nous aidons mutuellement à regarder de l’avant » (§ 8).

  • La joie.

Une dernière caractéristique de l’Oratoire que je veux souligner, et qui correspond bien aux nécessités de notre monde actuel, c’est la joie. Le monde dans lequel nous vivons est profondément triste, car profondément matérialiste, désespéré et sans transcendance. Selon un sondage fait début 2022, lassitude, colère et tristesse ont touché ces derniers mois 63% des français, soient 22 points de plus qu’en 2021. Et ce ne sont pas de loisirs supplémentaires ou de fêtes toujours plus nombreuses dont le monde a besoin, mais de joie intérieure reliée à la vie dans l’Esprit Saint. St Philippe est connu pour être le « Saint de la joie ». Non pas une joie délirante ou surexcitée, mais une joie profonde, qui permet d’affronter les épreuves et de les traverser, de prendre du recul par rapport aux difficultés de la vie et ne pas se prendre au sérieux.

« La joie fait partie de l’héritage typique de Saint Philippe et demeure l’une des marques les plus caractéristiques de la vie des communautés philippines. Tous se souviennent d’un Saint Philippe gai, heureux, extravagant, imprévisible dans ses plaisanteries. C’est précisément à notre époque, dans un monde en proie à l’inquiétude, que les philippins sont appelés à apporter la gaieté et la joie comme le gage indubitable que Dieu nous aime ; appelés à servir le Seigneur dans la joie »[33].

Cela est corrélé chez St Philippe à un désir de faire éclore en chacun des talents propres, des charismes et des dons. St Philippe aime la différence ; il aime la liberté. Monseigneur Baudrillart écrit :

« L’esprit de la doctrine de Saint Philippe consiste à permettre à chacun d’être à son aise, comme chez lui, sans écraser la personnalité, laissant à chacun, dans les limites permises, la possibilité de manifester l’originalité de sa pensée ou de sa manière d’être, se plaisant à la diversité autant qu’à l’unité, dans le respect scrupuleux de la spontanéité de l’âme »[34].

Joie, flexibilité, liberté, adaptabilité : voilà donc des caractéristiques qui font de l’Oratoire une communauté très actuelle et nécessaire aujourd’hui.

Conclusion : l’heure de la Nouvelle Evangélisation

En conclusion, revenons une dernière fois à St Philippe Néri lui-même. « Il faut se rappeler que, lorsqu’il se transféra dans la Ville éternelle (1534-1535), la réforme de la Curie semblait quelque chose d’impossible et que, lorsqu’il mourut (1595), la réforme était accomplie »[35]. Il l’a fait sans méthode ni théorie, mais par des touches quotidiennes et persévérantes, dans une période considérée comme particulièrement difficile. Comme la nôtre d’une certaine manière. Notre époque a peut-être besoin de projets spirituels concrets, simples et authentiques, fervents et optimistes, fraternels et ouverts à tous, pour accueillir ce qu’il y a d’attente dans le monde, tout en purifiant, en élevant et en valorisant ce qui peut l’être, ce qui doit l’être. Notre époque a besoin d’hommes et de femmes qui, revenant à l’élan missionnaire des origines, changent la société et le monde de l’intérieur, parce qu’ils ont commencé par se réformer eux-mêmes. Notre époque a besoin d’hommes et de femmes qui croient que la sainteté est possible et que, peu à peu, humblement mais sûrement, on peut aimer Dieu et le faire aimer. Une personne qui se met à changer et à vivre totalement, humblement, mais réellement, concrètement, le message auquel il croit de tout son cœur peut changer une ville et transformer le monde. St Philippe Néri, St François de Sales, St Jean Bosco, et plus près de nous Ste Mère Teresa de Calcutta, ont changé leur époque et leur milieu. En prenant à notre compte l’invitation de St Philippe Néri, avec la force de l’Esprit Saint, pourquoi ne changerions-nous pas la société et le monde d’aujourd’hui ?


[1] Rajouter 3000 moniales et 247 monastères et 40 000 dominicaines apostoliques et 100 000 laïcs en fraternités dominicaines.

[2] Phrase habituelle du Père Theo Gunkel, premier prévôt de la Congrégation de Leipzig, dans J. GUNKEL, Zeitgemäse Erneunrung im Oratorium des Hl. Philipp Neri, p. 28, dans « Oratorium, Archivum historicum Oratorii S. Philippi Nerii », I (1970), n°1, pp. 5-28.

[3] Je m’inspire pour ce premier chapitre d’une conférence que j’ai donnée il y a quelques années sur Jean-Baptiste Massillon.

[4] Note 387 du P. Audrain, Saint Philippe Néri, Prêtre dans l’Esprit Saint et le feu, 2019 : « A Cotignac (1592-1614) ; Aix en Provence (1615-1619) ; puis dans les mêmes années, Marseille, Hyères, Toulon, Grasse, Avignon. Il nous faut évoquer le rôle joué par le père Rollin-Ferrier, qui, après un voyage à Rome en 1586 où il rencontra Philippe, initia l’Oratoire de Cotignac la même année, avant même, donc, l’arrivée de Tarugi. Il était en contact avec deux cousins, Jean-Baptiste Romillon (1553-1622) et César de Bus (1544-1607), qui fondèrent la Doctrine chrétienne (1592), sur un modèle proche de l’Oratoire, puis Romillon fonda l’Oratoire d’Aix en Provence. Suite à la rencontre entre Romillon et Bérulle en 1611, les 11 maisons de Provence passeront à l’Oratoire de France (avant 1620), après avoir consulté l’Oratoire de Rome et malgré les réserves de Consolini qui disait pourtant que Philippe était « radicalement contre la centralisation », cf. Carlo GASBARRI, Lo spirito dell’Oratorio di san Filippo Neri, Morcellina, Brescia 1949, p. 141 ».

[5] Sur ce point de l’absence de vœux, des congrégations féminines avaient déjà vu le jour, les béguines par exemple. L’histoire de Marseille rapporte que Ste Douceline d’Hyères disait à ses compagnes : « Restez unies, dans l’amour du Seigneur, car vous êtes ici rassemblées dans l’amour du Christ et le Christ vous a liées en sa Charité. Tous les autres saints ordres ont un lien très fort, leur Règle ; mais vous autres, le seul lien qui vous lie, c’est la Charité. Cette pauvre cordelette vous tient unies dans le Christ. » (Regards sur notre histoire, Supplément de L’Église aujourd’hui à Marseille, 1997, p.11) »

[6] Année de la fondation de l’Oratoire de St Philippe Néri.

[7] Point discuté. il y a débat pour placer st Vincent de Paul dans l’école française de spiritualité, étant presque plus rattaché et influencé par François de Sales. 

[8] Il faudrait rajouter César de Bus, fondateur en 1592 des pères de la Doctrine Chrétienne (M. Dupuy, Bérulle et le Sacerdoce, Paris, 1969, p. 87-89 ; cité par R. Cadoux, Bérulle et la question de l’homme, Paris, 2005, p. 40).

[9] P. Cochois, Bérulle et l’École française, Paris 1963, p. 26.

[10] R. Boureau, L’Oratoire en France, p. 24.

[11] Œuvres de piété 311, OC Cerf, t. IV, 392 ; cité dans R. Cadoux, p. 40.

[12] Cochois, p. 124 : « Le sursaut de l’Église de France à l’issue des ‘guerres de religion’ tient à quelques grandes figures. Deux émergent : celle de François de Sales [ajoutons son prédécesseur St Philippe Néri] expliquant aux chrétiens vivant dans le monde qu’ils peuvent et doivent devenir saints dans leur état de vie ; celle de Bérulle expliquant aux prêtres séculiers qu’il y a une plus grande exigence de sainteté dans leur état de prêtrise que dans la profession religieuse. De telles affirmations nous semblent aller de soi aujourd’hui, elles étaient au début du XVIIè siècle proprement révolutionnaires ».

[13] « Dans les premiers chapitres de sa glorieuse chronique, on voit défiler quelques-uns des compagnons de Romillon, le P. de Rez, le P. Jacques Merindol, le P. Jean Jaubert, entre autres. Ce dernier nous dit-on, avait beaucoup de ressemblance avec saint Philippe Néri, tant pour la taille et les traits du visage que pour les manières d’agir. Il allait monté sur un âne, évangéliser le pays. Un autre de la même période, le P. Yvan avait une vive dévotion pour le saint fondateur qu’il appelait souvent en langue italienne il mio padre Filippo… Mais peu à peu l’ancienne naïveté s’efface: nos provençaux prennent le ton de Paris. Compatriotes du P. Yvan, ni Mascaron ni Massillon n’ont déshonoré l’Oratoire, … mais qu’aurait dit saint Philippe s’il les avait entendus ? », Henri BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux, II, Armand Collin, Paris 1967, pp. 24-25. Cf Note 387 du P. Audrain, Saint Philippe Néri, Prêtre dans l’Esprit Saint et le feu, 2019.

[14] Cauchois, p. 28.

[15] Boureau, p. 26

[16] G. Rotureau, « Oratoire bérullien », in Dictionnaire de spiritualité, Paris 1982, col. 848.

[17] Sur le site de l’Oratoire de France, http://www.oratoire.org/lhistoire-de-loratoire, on peut lire cette notice intéressante : « au début de la Révolution près de la moitié des maisons oratoriennes sont vouées à l’enseignement. On y propose un enseignement moderne : le français est introduit comme langue scolaire à la place du latin, les programmes s’ouvrent à la littérature contemporaine, à l’histoire nationale, et à la géographie, y compris humaine. On y pratique aussi les sciences : mathématiques, physique, astronomie, « histoire naturelle », et les langues vivantes dans les écoles militaires. Dans toutes les classes, on a le souci des méthodes pédagogiques, on souhaite échapper à l’ennui des bourrages de crânes. On privilégie l’intelligence sur la mémoire, l’intérêt sur la coercition, la nourriture de l’esprit sur le dressage des réflexes ; il s’agit de digérer, et pas seulement avaler. Pour cela, une certaine liberté est nécessaire : dans une époque où de fortes pressions religieuses et politiques tendent à interdire certains auteurs, l’Oratoire a toujours refusé unanimement d’adopter, en corps, quelque système philosophique ou théologique, laissant à chacun de ses membres la liberté de pensée dans les questions laissées ouvertes. Cette liberté des maîtres met les élèves en condition de liberté : respect de l’originalité de chacun, possibilité de s’exprimer ».

[18] W. Frijhoff – D. Julia, « Les Oratoriens de France sous l’Ancien régime. Premiers résultats d’une enquête », in Revue d’histoire de l’Église de France, Tome 65, N°175, 1979, p. 232.

[19] Elle fut supprimée le 18 août 1792 ; elle fut refondée en 1852 après quelques essais infructueux, et reprit son activité éducatrice, sans s’y enfermer. Actuellement les oratoriens de France sont une quarantaine pour une dizaine de maisons, dont trois paroisses à Marseille, Lyon et Paris, et quatre collèges. Malheureusement, le célèbre collège de Juilly vient de fermer ses portes en 2012.

[20] Itinéraire spirituel, n° 38b.

[21] Fédération des Oratoires du Nord de l’Italie, 1999.

[22] A. Cistellini, « Oratoire Philippin », col. 857.

[23] Introduction à la Vie Dévote, 1,3.

[24] Traité de l’Amour de Dieu, 1,6.

[25] 29 janvier 1967.

[26] St Jean-Paul II, Novo Millenio Ineunte, § 30-31.

[27] A. Cistellini, « Oratoire Philippin », col. 857.

[28] Pape François, EG 223-224.

[29] Itinéraire spirituel, 130.

[30] It. 33.

[31] « La méditation de la Parole de Dieu (…) devenait vie et formait de cette manière l’histoire même de l’Eglise : l’histoire incarnée et vécue par les saints » (It. 45).

[32] It. 67.

[33] It. 112.

[34] Introduction du livre de Ponnelle et Bordet.

[35] Fédération des Oratoires d’Italie du Nord.

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